jeudi 12 avril 2012

Qu'est ce qu'un Chinois ? (1/2)

Fini de faire la couille molle derrière ton écran d'ordinateur, aujourd'hui nous allons à l'aventure. 
Il est temps de dépasser les consensus populaires sur l'identité chinoise. Au diable les sushis et les ninjas, partons pour 人民廣場, la Place du Peuple. Avec la victoire communiste et l'instauration de la République Populaire, cet hippodrome au centre de Shanghai a du muter : paris et courses de chevaux sont devenus illégaux. C'est aujourd'hui un espace riche en indices de compréhension culturelle.

Un  plan indéchiffrable de Shanghai


Bon, pas de bol puisque j'ai décidé qu'on y allait en métro. Et même s'il est très moderne, plus grand réseau du monde, télés partout gnagnagna, c'est la jungle mon vieux. Et dans la jungle, survivre se fait au dépens des autres. Les rapports de force sournois remplacent l'indifférence du métro parisien. L’égoïsme s'active : tu seras doublé, poussé, tiré, enfoncé du coude et éternué dans le cou. Cependant, comme tout bon vagabond stylé tu dois te poser cette question : et si c'était toi qui étais fermé d'esprit ? Et si, sortant tout juste de ton cocon qui sent le saucisson, tu interprétais mal l'expression d'une culture, de valeurs et de critères différents des tiens ? A cette remise en question, je te répondrais : tête de nœud, se faire éternuer dans le cou est universellement désagréable. Ne te sens donc pas coupable de concevoir une caractéristique individualiste généralisée, particulièrement dans cette ville-temple de la réussite personnelle. Attention tout de même aux théories racistes des expats qui imaginent que 20% des Terriens s'évertue à t'éternuer intentionnellement dessus.


En sortant du métro, n'hésite pas à t'approcher des vendeurs improvisés dans la station. Ce viagra Louis Vuitton ira bien avec le slip Chanel que tu avais négocié au Fake Market. Pas de panique, le même gouvernement qui fait la publicité d'une vraie fausse lutte contre la contrefaçon sait que c'est devenu une industrie qui s'exporte et qui pèse 8% de son PIB et 5 millions d'emplois. Il faut t'y faire, distinguer le vrai d'un faux devient sacrément compliqué. Tiens, regarde ta collection de DVDs édition collector à 1 euro. Mais garde en tête que c'est moins rigolo quand ça concerne les médicaments, les pesticides ou autres produits chimiques.
Effet 180h garanti
Ah ! l'air libre et le soleil gris, bienvenue sur la Place du Peuple. Accroche toi bien à moi, on se dirige vers cette foule d'hommes et femmes mûrs. Ils discutent par petit paquets, se baladent en scrutant des milliers d'affiches mystérieuses ou attendent leur pancarte à la main. On ne comprend pas ce qui est écrit en chinois, mais on arrive à interpréter les chiffres : année de naissance, taille et salaire. Vu les sourires séduisants des photos qui accompagnent ces petites pancartes, facile de deviner leur utilité. Tu te trouves bel et bien en plein milieu d'une foire matrimoniale hebdomadaire !


Cet interventionnisme parental s'explique par une culture familiale verticale : autorité confucéenne des parents, puis retour de bâton des enfants avec le traditionnel foyer multi-générationnel. Pimentons le tout avec la politique de l'enfant unique et le chérissement de l'« enfant roi » qui a suivi. Pour vulgariser ces lois pleines d'exceptions, disons que pour avoir deux enfants sans pénalité, il faut : habiter une zone rurale, faire partie d'une minorité nationale, être un couple d'enfants uniques, ou avoir eu un premier enfant handicapé ou de sexe féminin (rôô non, épargne moi ton commentaire féministe). Bref, ça n'est pas l'objet de l'article, mais notons qu'en plus de modifier la structure familiale, la politique de l'enfant unique a modifié la structure paritaire nationale : il naît en moyenne 120 garçons pour 100 filles ! Théoriquement interdit, l'avortement après examen échographique concluant est monnaie courante dans les régions rurales. Il y est même plus facile de prostituer les filles plutôt que de leur apprendre à labourer la terre (cette phrase est de mauvais goût mais s'inspire d'une logique réelle).
Autre facteur explicatif de ce rassemblement malsain : le Chinois travaille dur et relègue sa vie privée et amoureuse au second plan. Tu as quand même remarqué que ses parents ne perdent pas la boule non plus puisque le salaire est un critère primordial de sélection.

Attention, voilà une anecdote personnelle mais tout à fait ludique sur le quotidien professionnel chinois :
J'ai eu la précieuse occasion de découvrir le monde des salariés les plus haïs de la planète. Déguisé en provencal, je devais répéter « Je suis le marchand de senteurs de L'Occitane » en chinois dans un mall de Nankin. Pour que tu imagines facilement, visualise un Chinois avec un chapeau pointu aux Galeries Lafayette qui te baragouinerait “je suis le marsouin de choux-fleurs du Croque-mitaine”. Ce qui est intéressant ici, c'est que j'ai vécu cet enfer plongé dans le sureffectif lambda chinois. Tous les salariés du mall s'alignaient devant leur stand en répétant mécaniquement leurs phrases d'accroche, ce qui est troublant lorsqu'il n'y a aucun client dans l'allée. Pour être honnête, ma situation était luxueuse à côté de la leur : leurs 60h de travail hebdomadaire se rémunèrent au prix d'une crème au beurre de karité.


Mais c'est pas terminé, on doit encore se balader dans cette nature fabriquée et parsemée de vieux yogistes, de musées ou encore de drôles de conceptions religieuses et ethniques. Je finis cet article bientôt !