Pour comprendre facilement l'objet de
mon stage, prenons Didier.
Didier vient de décrocher un super
poste dans une multinationale implantée à Shanghai. Il va donc s'y
installer avec sa femme et ses enfants. A peine arrivé, il reçoit
déjà des appels et des emails de la part d'inconnus. Tous
l'appellent par son prénom, arborent un ton amical, et lui
expliquent qu'ils lui seront indispensables s'il veut bien gérer son
argent. Étant donné que Didier touchera un salaire « occidental »,
dans un pays où le coût de la vie est moindre, il disposera d'un
surplus de fonds chaque mois. Et cela quand bien même il adoptera un
rythme de vie loungy-luxurious. C'est pour ça qu'autant de
sympatico-inconnus l'appellent : ils lui proposent de préparer
les futures études de ses enfants, sa retraite, ou encore l'achat
prochain d'une grande maison de vacances à Palavas. Ces types là
sont des IFA, Independant Financial Advisers.
Vous l'aurez compris, le job de ces
pseudo-conseillers financiers consiste moins à conseiller qu'à
prospecter, convaincre et vendre leurs services. D'ailleurs ces
services, bien qu'enrobés de responsablo-philanthropisme, se
résument à placer l'argent économisé par le client. Hors de
question ceci dit de s'emmerder à gérer ce fric eux-même. Non,
pour pousser la fainéantise/imposture jusqu'au bout, il vaut mieux
se contenter de proposer -et non pas de s'occuper véritablement- des
investissements. Les IFA passent par des compagnies d'assurance vie ;
compagnies qui proposent de créer des portefeuilles de fonds ;
fonds qui sont gérés par des grandes banques d'investissement. En
d'autres termes, l'homme charmant qui appelle Didier par son prénom
a l'air plus malin qu'intellectualo-messianique, et il se pose comme
un intermédiaire inutile grignotant l'argent des autres.
Cette caricature de mon stage doit
cependant être nuancée. Cela reste un vrai métier, dans lequel on
se soucie tout de même des investissements réalisés, même s'ils
sont fait par d'autres et pour d'autres. Et en théorie, le placement
financier rapporte au client, en dépit de tous les intermédiaires
entre lui et son argent. Dans ce cas, tout le monde est content. Mais
si ça capote, la chaîne de l'investissement décrite ci-dessus
conserve un rouage intact : l'IFA. Il n'a en effet pris aucun
risque. D'un côté, c'est l'argent du client qui s'évapore -lui
touche toujours sa commission ; et de l'autre, c'est le manager
de fonds de la grande banque qui se voit blâmer/virer comme un
malpropre.
Totalement décontract, mon boss a même retiré sa cravate |
Cet emploi est particulier/peinard/rusé, et même s'il est relaté au monde de la finance que je voulais initialement découvrir, il n'en illustre pas le caractère stressant/challenging/intellectuel. Là, peu importe les résultats. Le networking importe plus que le flair économique. Les intérêts professionnels se dissimulent sous l’apparat social. Chaque nouvelle rencontre représente un potentiel client. Et il si l'on va au bar, au foot ou au parc, on ne reste pas souvent seul : c'est marrant de partager des bons moments, mais c'est surtout profitable d'accumuler les cartes professionnelles des nouveaux copains.
Je me rappelle de mon tout premier jour
de travail à Virlanie. Le tout premier contact avec les enfants,
dans la maison de Masaya où je m'installai peu de temps après. Je
m'y rendais pour projeter un documentaire qui, en plus d'élargir
l'esprit et la conscience du monde des enfants, me donna une grande
leçon : mec, ça fait 1h que tu commentes en anglais, ils
comprennent rien, c'est le chaos, et en plus tu transpires méga. Ce
qui importe ici, c'est l'objet du documentaire et la grande idée qui
en ressortait : dans la jungle, la survie se base sur la
compétition. On retrouve l'idée d'hostilité qui est communément
attribuée à l'univers de la finance. Car chez
les IFA aussi, c'est la jungle. On se tire la bourre dans la même
bulle d'expats. Les boites foisonnent, et les procédés de
prospections deviennent de plus en plus lourds. Auprès des clients,
on se tire dans les pattes pour se démarquer des 12 personnes qui
ont appelé avant nous.
Voilà pour mon stage. En ce qui
concerne la finance, je parlerai peut-être des ISR plus tard :
les investissements socialement responsables. Si l'on aime les mots d'esprit, on pourrait préférer l'acronyme impostures socialement révoltantes.