mercredi 20 juillet 2011

Ateneo, entre prestige et poil pubien

Chaque mercredi, je quitte Makati City pour Quezon City. Le trajet est délicieusement interminable : il me faut parfois 2h de jeep et de métro avant de franchir les portes gardées d'Ateneo. L'organisation du campus et de la vie qui s'y installe se voudraient à l'Américaine. Ça grouille de traditions et de règles implicites dont on est étrangers. Au point que les groupes de bancs disséminés dans le campus correspondent à différentes catégories d'étudiants : les clichés hype, les clichés geeks, les clichés homos... C'est bourré d'associations sportives, académiques, humanitaires ou artistiques. La rentrée est donc suivie d'une période de recrutement prise très au sérieux, à grands coups d'entretiens et d'épreuves physiques. Les candidats peuvent vivre de grands moments de solitude ou d'humiliation, notamment au moment où ils sont réduits à devoir raconter une blague et ne rencontrent que le silence gênant d'un péteux à appareil dentaire (oui, plein d'Ateneans en sont fièrement équipés).

On nous annonce fièrement qu'ADMU est 35e au classement des meilleures English-teaching universities in the world. Mouais. Dans tous les cas, aux Philippines, Ateneo c'est très prestigious. Le Président Noynoy Aquino en sort. Le héros national José Rizal dont le portrait est reproduit sur tous les murs de la ville en est sorti. Et on y trouve une belle partie des rejetons des successmen philippins d'aujourd'hui. Normal, hein : c'est safe (sur-emploi philippino-classique de gardes privés) et clean (les belles routes du campus permettent de se faire déposer par son chauffeur devant sa salle de cours). Et c'est religieux. 90% des Philippins sont Chrétiens, 80% Catholiques. L'ambiance fanato-jésuite est partout ici : de l'immense église architecto-stylée aux chapelles, en passant par les prières collectives en début de cours.

Point sport : ici, les sportifs-écoliers sont des superstars, et le gymnase où ils jouent rendrait grotesque n'importe quelle infrastructure professionnelle française. Les matchs de basket entre universités font la une du journal national (ben ouais, il est conçu et lu par d'anciens étudiants à l'identité faculto-centrée). 



Là-dedans, je suis un Exchange Student. Un parmi une soixantaine : quelques Japonais, Chinois, Américains... et trente Français. Les étudiants internationaux sont arrivés ensemble, se sont installés ensemble, voyagent et font la fête ensemble. L'atmosphère était immédiatement coolôs, d'autant plus que nos responsables administratifs ont notre âge et nous côtoient. C'est la veine pour eux, leur boulot est facilité et ils peuvent draguer en soirée. De notre côté, ça n'a rien changé aux procédures administrativo-ignobles qui ont nécessité une quantité incalculable de transpiration pour récolter d'insignifiantes signatures. Un soir par semaine n'est pas assez pour intégrer leur Atenean universe, mais ça me va très bien. Je tire un trait sur les sorties richardo-luxurious, mais je me délecte allègrement des douceurs culinaires du campus, des mango shakes aux belgian chocolate waffles.


Chez les 30 Français, on trouve 8 SciencesPistes. Et chez les 8 SciencesPistes, on trouve Charles, Lauranne et Noémie. Et chez Charles, Lauranne et Noémie, on me trouve moi. Incruste audacieux, je viens même d'y apporter un matelas pour soulager le pauvre carrelage de mon dos musclé. Je paye mon loyer en apéro, heureux d'éviter un aller-retour-de-l'angoisse supplémentaire.



Côté cours, c'est un peu le chantier. Commençons par le plus remarquable des 4 que j'ai sélectionnés en début d'année : kitch, avec fort taux d'appareils dentaires et un faible taux d'intéressement dégagé par la voix nasillardo-taglish de mon prof. Au premier cours, il s'était peut-être levé du pied gauche de son container à hélium mais il a écrit « PHILLIPINE BUSINESS » avant de démontrer mon erreur d'orientation : le niveau est bas, les sujets inintéressants, et les tests pour vérifier les interminables lectures consistent en un infâme recrachage. J'ai intelligemment et lâchement abandonné. Sur mes deux cours en Development Studies, l'un étudie l'évolution de la discipline d'étude du Développement. Ouais. On brasse de l'air, mais j'ai eu deux ans d'entrainement (et je peux pas me permettre de lâcher un cours de plus). L'autre est concret : pendant tout le semestre, on doit aider une entreprise sociale. J'ai orienté mon groupe vers l'Income Generating Program de Virlanie et hop! on va essayer d'améliorer l'activité de recyclage de sacs à farine en sac à main par des communautés de gens des rues. Ça serait mon cours préféré mais en fait c'est pas un vrai cours. Et surtout, rien ne peut concurrencer mon cours de dessin, douce bouffée d'oxygène dans ce monde de cinglés.

Voilà, mon semestre à Ateneo a l'air d'avoir la même valeur académique qu'un poil pubien.  

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