mardi 5 juillet 2011

De Sunrise Street à Magellan


« Non merci, je préfère rentrer à la maison ». Après avoir passé une soirée dans une piscine sur le toit d'un immeuble du cœur de Makati, Thibault et moi quittons l'appartement traquenardo-prestigious d'une expatriée népalaise nouvellement volontaire à Virlanie. Et ouais, on peut trouver du Deluxe ailleurs qu'à Ateneo. Bref, paf! on chope un taxi sous le ciel bleu et rose du petit matin manillais et on effectue une rapide et non-subtile transition entre les beaux, propres et hauts quartiers de la ville et chez nous. On retrouve Sunrise Street, ses trottoirs troués, sa flopée de tricycles et d'enfants qui jouent, et même cet enfoiré de vendeur à vélo s'égosillant « bAaAaAluUt ». 
 (NDLR : le Balut est un oeuf fécondé cuit a la vapeur. Comme un Kinder Surprise avec un embryon dedans).
Bref, tout ça pour dire que ça y est, je me sens « à la maison ». Et en fait, là je viens de réaliser une accroche type citation/évènement, un grand classique utilisé dans 90% des exposés Sciences Po.



J'habite en VH1 (volunteer house 1) avec quatre Français, une Allemande et une Canadienne (sauf le mercredi soir où je dors dans mon pied-à-terre près de la fac, mais ça je l'expliquerai plus tard). Il existe deux autres maisons de volontaires. Même si leur composition évolue en fonction des arrivées et des départs, elles sont principalement remplies de Français. L'ambiance est bien sympa. Par petits groupes, les volontaires font plein de trucs ensemble : manger, dormir, partir en voyage ou encore, et je ne préfère pas dire si c'est mon cas, enchainer des parties endiablées de Risk.

Nos missions sont ultra variées. En gros, tu peux bosser à l'Office (communication, fundraising, RH... c'est le cas de deux tiers des volontaires), ou au contact des enfants dans une maison spécialisée, au centre scolaire et artistique ou encore au R.A.C., le « Reception Action Center » où la ville de Manille place des gens/familles/enfants « raflés » pour nettoyer les rues. Virlanie a la structure et les moyens d'une bonne entreprise. En une vingtaine d'années, elle s'est élargie et diversifiée pour aider le maximum d'enfants. On y trouve aujourd'hui 12 maisons hébergeant 250 enfants et plusieurs programmes externes touchant 800 enfants par an. Et un staff d'environ 150 personnes.

Sunrise Street


Moi dans tout ça, je suis Kuya Alex. (En fait, « Kuya » signifie « grand frère ») (c'est stylé hein) (mais ça se prononce « Couilla »). Je travaille au Magellan Learning Center, à 3 minutes à pied de chez moi. Deux jours de Mental Maths sur ordi, et un jour d'informatique et de tutorats aux plus grands. Le but est de faire en sorte qu'ils rattrapent leur retard à l'école. Vu le passé des enfants qui grandissent à Virlanie, il faut faire face à des écarts complexes entre 3 critères : leur âge, le niveau de leur classe à l'école et leur niveau réel. Bref, on peut trouver un mec de 13 ans, dans une classe de mecs de 10 ans, et avec le niveau d'un mec de 6 ans. Tout ça surtout en maths.

Dans un mois, c'est le départ de Kuya Lolo. Il est volontaire à Magellan depuis 2 ans. Mais c'est surtout un passionné et dévoué enseignant français qui est venu apporter un vent d'efficacité dans les cours dispensés ici. Il a bidouillé un logiciel pour en faire une machine à apprendre les tables de multiplication. Et moi je prends le relai pour faire en sorte que la machine continue à fonctionner. Et elle a intérêt, parce que les 3 enfants que j'ai chaque heure sont ultra pressés de connaître leurs tables. En chaque instant, d'éblouissantes étincelles jaillissent de leurs yeux pour me murmurer « rassasie donc ma soif infinie de savoir, s'il te plait ». Non c'est une blague. Je suis énorme. C'est juste qu'ils ont droit à un film/jeu/karaoké sur l'ordi quand ils ont fini. C'est un fin stratagème qui les force à bien travailler en maths, puis les fait progresser en anglais, en lecture, et en informatique. Et en plus, parfois j'entends trois hurlements de karaoké différents en même temps.
En tout cas, les enfants sont super cools et je suis ravi ici.

Grosse partie de Counter-Strike à Magellan

Voilà, en gros, c'est ça mon boulot. C'est ce que je voulais : c'est concret, ça concerne l'éducation dans le développement, et ça semble utile aux enfants qui devront un jour quitter Virlanie et s'en sortir par eux-même. Mais si on prend une plus grosse échelle, on peut dire que c'est pas un traitement mais un pansement au phénomène des enfants des rues de Manille. Il y en a 100.000 et ça ne résout les problèmes que d'une mince poignée de veinardôs. D'un autre côté, surement que les enfants des rues sont plus un symptôme qu'une maladie aux Philippines. (Je pense que j'enchaine les métaphores médicales parce que j'ai commencé à mater Dr. House). Et les ONG peuvent pas changer grand chose aux priorités des décideurs d'un État qui finit par se reposer sur elles. Et enfin on demande pas à toutes les ONG d'arrêter la pauvreté, le changement climatique et les troubles de l'érection. Bref, les questions s'accumulent, et c'est de bonne augure.


(Plein de papouilles à tous !)


2 commentaires:

  1. Bravo Alexandre pour ce récit trépidant !
    Tes aventures réjouissent toute la famille et c'est Sylvie qui est à coup sur la plus contente d'avoir de tes nouvelles !
    Elle me dit d'ailleurs de te passer le bonjour MDR.

    Bien à toi
    A.A.

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  2. Tu peux pas savoir combien je rage de cette partie de CS à Magellan. J'espère au moins qu'il y a eu de bons frags.

    Dans l'attente de nouveaux billets aussi délicieux que celui-ci, veuillez agréer, Monsieur, les salutations cordiales de mon cul.

    Jesultra

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