lundi 18 juillet 2011

« Être blanc comme un cachet d'aspirine / comme un linge / comme un cul / comme une merde de laitier »


Ces derniers jours, plusieurs évènements m'ont fait penser la condition de blanc aux Philippines sous des angles très différents :
  • jeudi : soirée-nouba du 14 juillet au Sofitel
  • vendredi : matinée-nouba de l'anniversaire de Virlanie
  • samedi-dimanche : week-end sur l'île de Marinduque
Ajoutons à cela le quotidien qui est le mien depuis presque un mois et demi, et une amusante anecdote d'angoisse harcelo-sexuelle. L'analyse qui suit n'est ni exclusive ni exhaustive, c'est juste la façon dont je vois la question de l'impact de la couleur de ma peau dans ma nouvelle vie de Pinoy


Poctoy, Marinduque

« Hey Joe! »
Cette façon à la fois lourde et courtoise d'interpeller les blancs indique deux choses : les blancs se font interpeller, et/car les blancs sont tous américains. Chaque trajet dans mon quartier est ponctué d'une multitude de microscopiques interrogatoires à la volée : on veut savoir mon nom, mon statut marital, de quel pays je viens. On s'y fait assez vite, et lorsqu'on se prend au jeu, on oublie pas de les décevoir en précisant que la France est en Europe, et pas aux USA. Sinon, la réponse importe peu, c'est juste histoire d'adresser la parole, et souvent avec bienveillance. C'est vrai pour les enfants, les ados, les vieux... et c'est même marqué d'une délicieuse maladresse/lourdeur chez les individus de sexe féminin. Je vous raconte pas le nombre de gonzesses qui me disent bonjour, à croire que je suis une sacrée bomba sensuelo... Bon, en fait je suis surtout blanc (et potentiellement américain). Et c'est un critère de beauté au point que leurs savons et produits de beauté sont blanchissants, ou encore que les pubs philippines montrent principalement des mannequins métisses plus-blancs-que-la-moyenne.

C'est donc dans cette atmosphère d'aisance esthétique que je me trouvais peinard dans le métro vendredi soir. Enfin pas exactement, le métro était atrocement blindé et pour y arriver je venais d'explorer l'ampleur des problèmes de transport qui font de Manille un véritable Enfer (au même titre que la LMDE à Paris, et je pèse mes mots). Bref, en sortant du métro, un jeune propose de m'aider à choper un taxi, en échange d'une petite discussion qui l'aiderait à mener à terme la thèse qu'il passe dans une université de richards. Mais cette impression de mec safe s'est dégradée au rythme de son audace dans la conversation, et de sa contre-productivité dans la recherche d'un taxi. C'était une angoisse graduelle : d'abord lorsqu'il était tactile et nous éloignait des coins à taxi, puis lorsqu'il m'a demandé si j'étais circoncis (ouais, là j'aurais peut-être du me méfier), et enfin lorsqu'il m'a proposé avec assurance « can I touch yours? ». Je l'ai vite dégagé en essayant d'oublier cette goutte de vomi qui pendait au bout de ma luette. Et a posteriori, après avoir échangé avec des collègues philippins, je me dis qu'il faudra peut-être que je m'habitue à tremper ma luette : il est beaucoup plus fréquent d'être confronté à cette audace déviante ici. Miam miam.

Mais ne nous leurrons pas, les considérations ne sont pas purement physiques. Elles sont aussi bancaires : ici, le blanc est un richardôs. Et de l'intérieur, célébrer notre fête nationale en fut une sacrée illustration.
Organisée au supra prestigious Hotel Sofitel de Manille, la soirée a été refusée aux étudiants français en échange. C'était quand même plus agréable de se goinfrer de petits fours au milieu de costards et de calvities dissimulées. Sans parler des défilés, performances et furious feux d'artifice. Finalement, on n'était pas forcément plus à l'aise dans ce cadre là. On s'est donc contentés de s'empiffrer et de rentrer dans notre bonne vieille maison de volontaires. Mais si le blanc n'est pas tout le temps très riche, on peut dire qu'ici, c'est un veinard. Le coût de la vie est ridicule, et se faire plaisir est à portée de slip : le soir au diner, comme le week-end en voyage.



C'était donc plein de veine que j'ai quitté mon ami pervers du métro : j'allais prendre un bus puis un bateau direction Marinduque, une petite île au Sud de Luzon. On a fini sur la plage de sable blanc de Poctoy et on a profité comme des connards. Puisque le voyage était presque plus long que le séjour-dorure-de-pilule à proprement parler, on a enchaîné les moyens de transports et les improvisations sur place. Et ici, le blanc est un con. Chaque indication de prix était précédée d'une flagrante réflexion et chaque paiement était précédé de grosses négociations.
« - Hmmm … Six hundred.     - Beuh. »
De quoi contredire les beaux encouragements d'autres volontaires à sortir des sentiers battus pour éviter les arnaques touristo-ciblées. J'ai bien l'impression d'être pris pour une burne où que je sois. De n'être perçu et traité qu'en fonction de ma condition physique de riche-Américain-futur-PDG-à-calvitie.

Sauf à Virlanie (ou à la fac, un peu). Là où on trouve d'autres blancs, et où la façon dont on les perçoit ne dépend pas uniquement de leur faciès. On peut donc même être considérés comme une ressource, un élément avec lequel la coexistence est envisageable voir appréciée. A l'ONG, le blanc est surtout un volontaire : un animateur, un prof, un jeune plutôt cool qui travaille pour faire tourner la Fondation. Auprès des enfants, du staff philippin ou des gens du quartier, les efforts pour avoir des relations dépassant le stade-facial ne sont pas vains. Apprendre un peu de Taglish est même indispensable en cours de maths (même si je dis toujours les mêmes phrases) (et qu'ils comprennent pas tout le temps). Et l'anniversaire de Virlanie était un exemple de cette acceptation : enfants, staff, volontaires... tous là, à se rencontrer, à présenter des shows ridicules, et reconnaître le boulot des autres. Moi j'ai performé sur du Rihanna et c'était humiliant.



Voilà, il ne manque plus qu'à donner raison aux incitateurs des explorations un peu sauvages. Allons nous la couler douce en espérant rencontrer plus de Philippins-non-entourloupistes !


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